Pierre Cathelouse de  Saint Malo à l’île Bourbon,  2ème expédition de Moka.

« La compagnie des négocians de Saint Malo formée principalement pour faire le commerce du café dans l’Arabie heureuse, s’etoit si bien trouvée de la première expédition, … qu’elle ne tarda pas longtemps d’en entreprendre une seconde, laquelle n’a pas eu un moindre succès et n’interessera pas moins la curiosité du public que la précédente. »

Ainsi commence la relation du second voyage de Jean de la Roque vers le Yémen, au début du 18 ème siècle.

Ces Messieurs de Saint Malo ont armé pour la course et pour le commerce, deux vaisseaux « la Paix » et « le Diligent » , placés sous les ordres de deux capitaines expérimentés, MM. de la Lande et de Briselaine.

[Carte pour l’approche de Moka] / Made By Augustine Fitzhugh at the Corner of the Minnories Neare Little Towerhill Anno Domony 1683

Notre histoire, ici, à l’île bourbon, ne commence que lors de leur retour, lorsque les vaisseaux, après avoir passé les derniers mois de leur périple à Moka, y font relâche.

Nous y trouvons  l’écrivain du  Diligent, Pierre Cathelouse.

« Aujourd’hui, 5 decembre 1712 après midi, nous Justamond secrétaire pour Mss les dir généraux  de la royale compagnie des indes orientales  avons été requis par M de la Brislaine colin cpt, command. Le vaisseau le diligent appartenant aux Ms de St Malo venant de mokand ; et priés de nous porter jusque dans  une maison située  au près du banc des  rochers appartenant à andré Reau dans laquelle maison le sieur Cathelouse, escrivain sur le navire fait sa demeure attendu qu’il est affligé de la perte de sa vue lequel a prié et supplié M de la Brislaine de le laisser à terre … »

L’écrivain de marine est chargé des écritures et des comptes à bord. Il s’agit en général d’un officier ayant le rang d’enseigne. Il relate les conditions de vie, les disettes , les décès, les achats, les escales, les découvertes, les incidents de parcours, les événements minuscules ou dramatiques. Il connaît si bien les aléas des voyages en mer qu’il souhaite sans doute terminer sa vie à l’île Bourbon. Ce jour de décembre, « ne pouvant continuer son voyage », il demande à ne plus courir les mers et son Capitaine croit utile de demander l’inventaire de ses effets en sa présence. Ce qui fut fait :

De l’inventaire de Cathelouse, nous retiendrons en plus des  tapis, camelots, et autres indiennes : une épée au pommeau d’argent, six paires de babouches neuves, une caisse de thé, une botte pleine de poivre, un petit paquet contenant son congé de Pondichery et plusieurs lettres, une malle pleine de café …

Le 26 décembre, il fera transférer un certain nombre de ses marchandises par André Reau  (1), au Capitaine Commandant Dauzel Dufresne (2) sur le vaisseau Le Beau-Parterre pour être acheminées en France. Ce vaisseau avait d’ailleurs été  pris, après combat,  aux Hollandais, au large du Cap de Bonne Espérance, à l’aller. Il devait ramener en France un plant de caféier offert par le roi du Yémen — enfin opportunément guéri d’un abcès à l’oreille par le chirurgien du Diligent, au nom prédestiné de  Barbier ­— pour être offert à Louis  XIV.

Trois semaines plus tard, Pierre Cathelouse, affecté de la perte de la vue et de paralysie, rend son dernier soupir le 12 janvier 1713. Ses biens seront vendus à l’encan le 26 janvier.

Cet encan fut de suite apprécié par la majeure partie des habitants de l’île, à ce moment, démunis de tout ,« mal commodes » et « tous mutins  » (A.Boucher) qui survivaient en s’approvisionnant aux vaisseaux de passage.

A cette vente aux enchères, nous retrouvons, Leger, Langevin, l’Abbé Duval, George Noël,

Joseph de Guigné, Patrick Droman, Pierre Parny, Jacques Béda, Auber, Simon Gruchet, Daniel Payet, Antoine Bellon, Hiacinte Payet, Laurent Payet, Estienne  Hoarau, Robin, André Reau, Pitre Folio, Germain Payet, Hervé Fontaine, Françoise Cauzan, Jean Hoareau, Jacques Macé et quelques autres qui emportèrent principalement tapis et toiles de chittes, de lin et d’organdy, mouchoirs et bas rouges … alors que la canne d’argent échue elle au flibustier Jacques Béda, et le coffre fermant à clef à Piras, qui s’en servit sans doute en quittant  l’île.

On ne retrouve à ce dernier  inventaire, ni les ustensiles pour faire le thé, ni le poivre, ni le café…

Au même moment, les  compagnons d’expédition de Pierre Cathelouse se trouvent toujours en mer. Le  » Diligent » , lourd de milliers de balles de café, n’atteindra Saint Malo que le 11 juin 1713, après un périple de deux ans et six mois. C’est à la troisième expédition de Moka que le Roi Louis XIV demandera d’implanter la culture du café à l’île Bourbon, avec les conséquences que l’on connaît.

Sabine Noël

(1) André RAULD (RAOULT ou RAUX) , natif de Muron en Saintonge, débarqua en 1706 d’un navire forban. Il acquit en 1707, tous les biens de Pierre FOLIO.

(2) Le Chevalier Dufresne d’Arsel reviendra dans l’Océan Indien en 1715, pour prendre possession de l’ïle Maurice, rebaptisée île de France  et pour confier, nommément, des plants de caféiers à Jacques Auber, Pierre Hibon et André Rault .

© S NOËL

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