On a coutume de penser qu’aucune occupation privée  n’ était possible sur la réserve des 50 pas du Roi, dite plus souvent des pas géométriques. Et pourtant, en novembre 1789 et janvier 1790, Jacques Michel Ricquebourg,capitaine des milices coloniales et commandant au quartier St Paul, se voyait accorder de s’ établir provisoirement sur celle ci.

La réserve des pas du Roi a été consacrée par l’ordonnance sur la Marine de Colbert d’ aout 1681qui définit le domaine public maritime . Jusque là, ce domaine public maritime était régi par les règles établies par l’empereur romain Justinien. Colbert reprend la définition donnée par les Institutes à savoir « tout ce que la mer couvre et découvre et jusqu’où le grand flot de mars peut s’ étendre sur les grèves ».

Cependant il existait une règle en vigueur dans les isles françaises d’ Amérique, celle des 50 pas du Roi. Dans une lettre adressée au ministre de la Marine, Colbert, le gouverneur de Baas énonce le 8 février 1674, les cinq raisons de l’ existence de ces 50 pas. A savoir: la première a été de rendre plus difficile l’abord des isles ailleurs que dans les rades car 50 pas de terre en bois debout très épais et difficiles à percer est un grand empêchement contre les descentes d’ ennemis; la deuxième est qu’il faut un espace réservé pour l ‘édification de fortifications car autrement les habitants auraient pu demander des dédommagements; la troisième est que chacun doit avoir un passage libre vers la mer afin d’ éviter procès et querelles en raison des clôtures qui auraient été édifiées; la quatrième est de donner moyen aux capitaines des navires qui viennent aux isles d’aller couper du bois dans les 50 pas pour leur nécessité sans cela les habitants ne leur permettraient pas d’ en prendre qu’en payant ; la cinquième « et la plus essentielle est celle de donner moyen aux artisans de se loger car ils n’ ont aucun fonds pour acheter des habitations et qu’ils n’ ont pour tout biens que leurs outils pour gagner leur vie. On leur donne aux uns plus aux autres moins, des terres pour y bâtir des maisons mais c’ est toujours à condition que si le Roi a besoin des fonds sur lesquels ils doivent bâtir, ils transporteront ailleurs leurs bâtiments. Or sur ces 50 pas sont logés les pêcheurs, maçons,charpentiers….personnes nécessaires au maintien des colonies »

Colbert consacre donc la réserve des 50 pas du Roi en 1681. Un pas variant de 2,5 à 3,5 pieds selon les époques. Cette bande de terre est en conséquence insusceptible d’ appropriation et occupation privée sauf finalement en raison de motifs d’ utilité publique. Elle correspond aujourd’hui à 81,20 m à compter de la limite des plus hautes marées car cette réserve existe encore et suscite toujours autant de conflits.

Jacques Michel Ricquebourg, en novembre 1789 et janvier 1790, reçoit  de David Cossigni, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint Louis, maréchal des camps et armées du Roi, commandant pour Sa Majesté à l’ile Bourbon et de Pierre Ratier Duvergé, commissaire général des colonies, ordonnateur à l’ile Bourbon, présidant le conseil supérieur de la dite ile, la permission de « s’établir sur les pas géométriques » et plus précisément au Repos de la Leu, « à prendre depuis l’ endroit appellé la pointe de Bagatelle jusqu’à celle de Henri Hibon ou la grande pointe » ainsi que sur ceux qui se trouvent « entre le Grand Chemin et le bord de la mer, la Ravine de la fontaine et le mur qui en forme le vivier fait par le sieur Pignolet » .

Pour ce faire, JM Ricquebourg a adressé deux requêtes les 12 février 1788 et 26 juin 1789, accompagnées des plans des lieux. Ces requêtes ont reçu l’appointé en accordé de Cossigni et Ratier Duvergé en bas de page. Puis l’arpenteur du Roi a donné son avis.
Qui était donc Jacques Michel Ricquebourg pour susciter une telle faveur ? Fils de Jean-Baptiste (1701-1788) et de Elizabeth Baillif (1705-1787) , il était une autorité militaire (capitaine des milices et commandant au quartier de St Paul) ce qui explique, qu’en l’occurrence, on lui ait accordé ces autorisations. L’on peut en effet supposer qu’il avait à cœur de défendre la population qui lui était confiée, d’éventuels ennemis venant de la mer.

Pour notre famille, Jacques Michel Ricquebourg était le cousin germain de Marie Baillif ( 1728-1799) épouse de Louis Noël ( 1714-1791) mais aussi pour ceux qui nous suivent régulièrement,  le grand père de François Ricquebourg Chambrun et l’arrière grand père de Marie Françoise Delphine, une de nos trisaïeules. De même il était le cousin germain de Marie Heleine Macé et de Joseph Ricquebourg, nos mariés de l’article  : Deux mariages et une ratification.

Avec ces permissions, n° 314 et 322,le sieur Ricquebourg pourra «sauf le droit d’ autrui, cultiver, établir et jouir provisoirement » de ces terrains situés sur les pas géométriques, « dans laquelle jouissance il ne pourra être troublé que pour les besoins du service, auquel cas il sera obligé de déguerpir sans pouvoir prétendre à aucune indemnité ».

Ces permissions seront enregistrées au bureau de l’arpenteur du Roi et au greffe du tribunal terrier.

A quels usages le requérant destinait il ces lieux ? « Servir d’ entrepôt aux productions de son habitation » ainsi que l’expose sa requête.
Motif qui ne semble pas essentiellement d’ utilité publique sauf si ces productions étaient nécessaires à l’approvisionnement de la colonie !
Mais, comme l’exprime bien ces autorisations, si les besoins du service du Roi l’exigeaient, l’intéressé  était  tenu de déguerpir sans pouvoir prétendre à aucune indemnité.

Laurence NOËL

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