« George Noël, à l’encontre de la plupart des colons fit preuve d’une grande stabilité. » (Père Barassin)
A Saint Paul, il est installé sur les Sables et s’occupe de sa pièce de terre à La Montagne. Il va l’agrandir en 1732. Il acquiert de Jean Daniel1 & de sa seconde épouse Françoise du Coudray, un terrain :

« au quartier de la  montagne St Gilles borné par
en haut de  (…)  la terre du dit Georges
Noel, par un coté de la terre de celle d’Antoine
Avril et par l’autre de celle de Nicolas
Paulé  le tout tel qu’il se poursuit et se comporte(…)
appartenant au dit Jean Daniel au moyen des echanges
faits (…)entre luy et  Thomas Elgar  au nom et
comme tuteur des enfants mineurs de son
mariage avec feue Raphaelle Royer
quinze juin mil sept cent trente  ainsi qu’il
apperre (…).
Dans laquelle vente
seront compris une case de bois rond
(…), un grand magasin de dix huit
pieds  de long sur treize de large et un
autre petit magasin un petit poulailler
une cuisine de bois rond le tout situé
sur le terrain cydessus Vendu  Plus
un petit noir de madagascar nommé
Thouffaine agé de dix ans environ pour (…)
le prix et somme de deux mil six
cent Livres tournois mil
Livres pour le terrain &
mil six cent livres et pour les dts batiments
et noir comme chose mobiliaire . »


Car être esclave selon la loi, c’est être réputé meuble.
(Code Noir de 1685, lettres patentes de 1723, arrêté du 1er brumaire an XIV).

Il est difficile d’imaginer, aujourd’hui l’histoire, la vie, le sort de ces jeunes « négrillons » de Bourbon. Mais on sait aussi, qu’à la même époque, les armateurs  de Nantes, Bordeaux ou La Rochelle ramenaient avec eux de jeunes enfants noirs, à la fois à des fins de service, de prestige et de distraction. Ainsi, sur ce tableau de Hyacinthe  Rigaud, ce jeune page porte des vêtements élégants et toujours le collier, certes en argent, de sa servitude.

Hyacinthe RIGAUD, ca 1700, « Jeune nègre tenant un arc »
Courtesy Musée des Beaux Arts de Dunkerque.

Comment Thouffaine est-il arrivé là ?  Etait-il un des petits serviteurs de Thomas Elgar, ou sa part de traite, attribué lors de ses commerces ?

Et qui est Thomas Elgar ?

Thomas Elgar, Elguert ou Elguier, « Anglois de la ville de Londres », comme George Noël, a sensiblement le même âge. Ils ont navigué de concert sur le brigantin de Bowen. Elgar est présent dans l’île depuis 1704. Mais, il ne fait que passer. Il  repart en flibuste avec Nathaniel North et ensuite Thomas White (deux anciens de la Royal Navy), et ne s’installera  définitivement à Bourbon qu’en 1706. Cousu d’or, comme tout  bon pirate repenti, il abjure sa religion, épouse sa Dlle Royer et achète pour des sommes considérables  des terres, des bâtiments, et tout ce qu’il y avait dessus  (Père Barassin).
« il sait très bien lire et écrire » , et a eu « de trés bonnes éducations. »
Sa connaissance du Malgache et son sens du pilotage le firent rechercher pour le commerce et la traite. En 1729, il perdra sa femme Raphaëlle et deux de ses huit enfants de l ‘épidémie de vérette. Et le 15 juin 1730, Il échange ses terrains  de la montagne St Gilles avec son gendre, Jean Daniel, qui s’empressera de les revendre en 1732 à George Noël. Il répugne donc à garder ses terres, et la traite ne lui portera pas vraiment chance, puisque Boucher le décrit aussi comme  » fort gueux et mal nippé ».

En quelque sorte plus à l’aise sur les mers agitées que sur la terre  immobile où il excellait  (à-ce-que-l’on-dit) aux jurons, à l’ivresse, au  jeu et aux querelles.

L’histoire ne dit pas en quelle langue.

Sabine Noël

Le 10 mai 2010

Le 10 mai est en métropole,  la journée des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions depuis 2006, sur proposition du comité pour la mémoire de l’esclavage.

1Jean Daniel, arrivé à Bourbon en 1718, était le mari de Marianne , fille de Raphaëlle  & Thomas Elgar .

© Sabine  NOËL
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